Nous vous présentons ici une nature morte où se croisent les styles lyrique et constructiviste d’André Evard. De 1932 jusqu’à sa mort, Evard accorda une place égale dans son œuvre à ses paysages figuratifs (afficher paysage figuratif), aux natures mortes (afficher nature morte) et aux représentations concrètes-abstraites (afficher composition abstraite).
Cette œuvre peut être divisée en deux plans picturaux. D’une part, nous avons un monde floral coloré devant la fenêtre, tout à fait dans le style de ses paysages lyriques. D’autre part, nous avons l’intérieur composé de formes géométriques, qui est interrompu par la plante en pot ainsi que par le rideau sur le côté gauche de l’image.
Des contours ronds et organiques dans la plante et le rideau ainsi que des lignes droites et des formes géométriques sont ici positionnés de manière contrastée. Le spectateur est irrité, car d’une part, l’arrière-plan géométrique prédomine en quantité et, d’autre part, le motif principal, une plante organique, a été placé au premier plan.
Dans sa présentation, le rideau rappelle vaguement la série d’œuvres « Symphonia », tandis que la plante, dans sa forme, présente des traits fauvistes. Elle est l’homologue du rideau et sert à un équilibre superficiel des éléments de l’image, qui est toutefois ébranlé par la dissolution de la perspective.
Sur le côté droit, l’utilisation de diagonales simule une perspective centrale dont le point de fuite devrait se situer à l’intérieur de la fenêtre. En réalité, il devient toutefois clair que l’image n’a pas de point de fuite – donc un point dans lequel toutes les lignes convergent – et qu’il n’y a donc pas non plus de perspective centrale. Ce contraste et le positionnement de la plante à droite créent un trouble dans l’image. Le spectateur ne sait plus où il doit tourner son regard.
Un autre élément qui contribue à la confusion du spectateur est l’ombre de la plante en pot et de l’encadrement de la fenêtre. Conformément à l’incidence de la lumière venant de la fenêtre, l’ombre devrait en fait être plus abrupte vers l’arrière. De même, l’ombre du socle dans la moitié gauche de l’image ne devrait pas être présente de cette manière.
Ces contradictions sont utilisées de manière ciblée par Evard, que ce soit pour équilibrer harmonieusement les surfaces de couleur noire sur les deux moitiés de l’image, ou pour rythmer le tableau avec des rectangles noirs et apporter du mouvement dans l’image.
Cette tension entre harmonie et agitation, entre organique et géométrique, entre intérieur et extérieur pourrait faire allusion à la tension entre les deux styles d’Evard qui se rejoignent ici.